Voyager, est-ce une chance?
- Le Grand Blogtrotteur
- 23 août 2016
- 7 min de lecture
Pendant mes 17 mois de voyage, j’ai découvert et vécu des choses magnifiques, inoubliables. Des choses qui resteront à jamais gravées dans ma mémoire et qui, sans le savoir, m’ont fait évoluer, grandir, changer en quelque sorte.
17 mois c’est long. Ça suscite des interrogations : « Comment fait-il financièrement ? » « Sa famille ne lui manque pas ? » « Comment tient-il physiquement ? » Et, bien souvent, de l’envie : « T’en as de la chance ! ». Ce mot « chance » je l’ai entendu et lu une dizaine, peut-être une centaine de fois, pendant mon périple. Et à force je me suis moi-même posé la question : ai-je de la chance d’être là où je suis ? Ai-je de la chance de voyager depuis si longtemps ? Finalement, voyager, est-ce une chance ?

Plusieurs voyageurs, bloggeurs, et même journalistes ont déjà répondu à la question. Des articles que j’ai lus avec une attention toute particulière et dont je valide principalement l’analyse. Mais j’aimerai vous proposer ma propre version, ma propre vision de la « chance ». Je n’ai pas la plume d’un journaliste mais, à l’image du blog, je vais développer cet article avec mes mots.
Pour comprendre l’importance de la chance dans un voyage, je vais découper mon analyse en trois parties : avant, pendant et après le voyage.
Avant le voyage
L’éducation
Il faut remonter à l’enfance pour voir trace d’une chance. J’ai eu la chance de naître dans une excellente famille avec des parents qui ont pour principale force l’amour qu’ils m’ont donné. J’ai été éduqué d’une façon simple : il faut travailler pour obtenir des résultats. Ça commence à l’école pour avoir des bonnes notes et plus les années passent plus ça devient professionnel pour avoir de l’argent.
Cette notion d’argent a son importance pour entreprendre un voyage. Je n’ai jamais manqué de rien mais je n’ai jamais eu d’argent de poche. Pour s’acheter des futilités (consoles de jeux, DVD, MP3…) je devais attendre mon anniversaire ou Noël. L’argent c’est difficile à avoir, il faut savoir l’utiliser à bon escient sans tomber dans l’excès.
J’ai eu la chance de commencer à travailler dès mes 16 ans et depuis, tous les étés (parfois même plus), j’ai bossé un mois ou deux. Je n’avais pas encore imaginé partir 17 mois mais j’avais déjà l’idée de faire des concessions pendant plusieurs semaines pour ensuite profiter (vacances avec les potes).
Puis de travailler tous les étés, c’est passé à tous les week-ends pendant près de 2 ans. Ça limite sérieusement les sorties, il faut assumer en parallèle des cours, mais ça fait des rentrées d’argent. Pour finir par l’apprentissage sur 2 ans.
Sur ces 2 dernières années, l’idée d’un voyage longue durée était dans un coin de ma tête. J’aurai très bien pu habiter sur Paris et m’éviter 3h de transports par jour. Oui mais voilà, je remercie encore mes parents pour leur aide, en rentrant chez moi j’étais logé, nourri et blanchi. Aucune sortie d’argent.
Les rencontres
Est-ce une chance ou simplement le destin ? Sans certaines rencontres pré-voyage, jamais je ne serai parti si longtemps… je crois même que jamais je ne serai parti.
L’un des premiers déclencheurs fût Laura, avec qui j’ai passé 2 belles années. Elle m’a poussé à faire une école de commerce et m’a incité à postuler chez IBM qui sera mon entreprise et mon tremplin financier. C’est chez IBM que j’ai rencontré Hamza, une personne pleine d’ambition qui a bien su vendre son stage en Australie lors de son entretien d’embauche. Il a tellement bien vendu son expérience que je me suis laissé tenter à l’idée d’aller là-bas.
Après il y a eu les doutes, les craintes, savoir si j’étais en train de faire le bon choix. Et dans ces moments c’est la famille et les amis les plus proches qui sont là pour vous soutenir. Sans eux aussi, je ne serai probablement jamais parti.
Vous voyez comment une prise de décision de cette ampleur peut tenir sur quelques personnes. Je me repose la question : est-ce une chance de les avoir rencontrés ou est-ce le destin ?
Vous-même
Mais finalement, le seul et unique décideur c’est vous. La prise de décision viendra de vous. Et là, la chance n’y est pour rien. Il faut avoir les épaules pour foncer tête baissé.
Personnellement, j’en ai eu des doutes. Partir aussi longtemps mais surtout aussi loin, ça a de quoi foutre le vertige. Je ne faisais pas le fier mais mes parents peut-être encore moins. Et c’est à ce moment-là qu’il faut se montrer fort, sûr et déterminer de ce que l’on entreprend pour rassurer toutes les personnes qui vous entourent. Et se rassurer soi-même.
Le premier pas dans l’avion c’est vous et vous seul qui le ferez. Personne ne vous y poussera. Mais il faut oser et se persuader que c’est pour le mieux.
Finalement, si l’éducation et peut-être les rencontres ont leur part de chance, les concessions et surtout la décision de partir, c’est vous seul qui allez les prendre.
Pendant le voyage
Les rencontres
Ça revient un peu au paragraphe du même nom avant le voyage, mais les rencontres pendant un si long trip ont une importance considérable. Et je me considère chanceux d’avoir rencontré de magnifiques personnes pendant 17 mois.
Je me souviens encore demander un œuf à Maxime dans un anglais plus qu’approximatif… mon premier jour australien et mon premier « travel mate ». Puis il y a eu des centaines de rencontres dans chaque pays traversés jusqu’au dernier jour ici, dans cette auberge de Colombo. Je ne peux tous les citer par peur d’en oublier mais ce sont aussi eux qui ont fait de mon voyage quelque chose d’unique et pour ça, j’en ai de la chance.
L’itinéraire
Si celui-ci s’est, de temps en temps, forgé au gré des rencontres, il a souvent été mûrement réfléchi et travaillé pendant des heures. Combien de temps ai-je passé dans la bibliothèque de Brisbane à consolider ma travelmap ? J’ai arrêté de compter.
Si j’ai vu autant de belles choses pendant ces 17 mois, c’est que je l’ai voulu et que mes recherches ont été fructueuses. Je ne me lance pas des fleurs car tout n’a pas été parfait dans cet itinéraire mais sans une planification béton, je ne serai pas aller bien loin.

La météo
Je vais appeler ça une chance de cocu. Heureusement je n’ai pas de femme qui m’attend à la maison. Mais s’il fallait rattacher la chance à un mot ça serait la météo.
J’ai naïvement voyagé à l’aveugle sans me soucier des saisons. Autant pour l’Australie, il fait souvent beau et chaud donc pas de souci là-dessus mais pour le reste… Nouvelle-Zélande, l’un des pays les plus instables météorologiquement parlant, quasiment que du beau. Indonésie, en période de pluie, je n’ai reçu que 2-3 gouttes. La Birmanie, pendant la mousson, une seule journée de pluie. Sri Lanka, en pleine petite mousson, quelques petites averses et un grand soleil. Pour les autres pays il n’y a eu que du beau et du chaud. Quelle chance !
On oubliera les 2 semaines de pluies en Thaïlande pour les vacances.
C’est peut-être pendant le voyage que l’on est le plus exposé à la chance, mais pour ça, il faut la provoquer et partir.
L’après voyage
Attention, le retour après un si long voyage n’est pas si évident à gérer.
Le décalage
Vous avez vécu des choses inoubliables et, notamment lorsque vous bougez tout le temps comme lors de mes 6 derniers mois, c’est au quotidien que vous vivez de nouvelles choses. Autant dire que le raconter à vos proches, c’est impossible. Comme de répondre à cette question aussi classique qu’inutile « Alors, c’était comment ? ».
Pour ma part, on ne résume pas 17 mois de voyage en une soirée. Le mieux serait peut-être même de ne pas en parler. Pourquoi ? Parce que tellement de chose vont vous venir à l’esprit que ce sera un crève-cœur de n’en raconter qu’une micro partie. Et aussi parce que vous ne serez pas compris comme vous auriez aimé l’être.
Famille et amis sont restés dans une routine que vous avez cassée en entamant le voyage. Ils ont vécu pleins de trucs, c’est vrai, mais dans leur petit monde et petit périmètre qui les entourent. A côté, vous, vous avez repoussé les frontières à l’extrême et retourner dans cette routine qu’était la vôtre n’a plus vraiment de sens.
La conséquence directe d’un voyage aussi long : vous n’êtes plus le même homme bien que vos amis vous voient pareil (avec des cheveux et de la barbe en plus). Le décalage va devenir frustrant et ça on ne peut pas dire que ce soit une chance. Sauf si, comme moi, on a un tonton qui a fait le tour du monde 20 ans plus tôt, là les discussions sont riches et les comparaisons passionnantes.

L’envie de repartir
Grossièrement je dirai que le voyage c’est comme le sexe, une fois qu’on y a goûté, difficile de s’en passer.
Ça y est, vous êtes revenu de votre périple qui s’est étendu sur plusieurs mois. Vous avez retrouvé vos proches, fêtez ça comme il se doit et avec un peu de chance, un employeur vous attend déjà avec un contrat prêt à être signé (à bon entendeur, je suis en pleine recherche !).
17 mois à vagabonder, à bouger de villes en villes, de pays en pays, ne jamais resté plus de 3 nuits à un même endroit et tout ça pour quoi ? Pour au final retourner derrière un bureau 5 jours par semaine, y rester 8-9h puis rentrer chez soi, un habitat fixe…
Vous imaginez la scène ? Combien de temps vais-je tenir ? Voyager c’est se donner l’opportunité de vivre dans un monde éphémère, un monde qui ne dur qu’un temps. Mais plus on reste dans ce monde éphémère, plus le retour à la réalité est difficile à vivre.
On ne s’en rend compte qu’après coup, mais voyager longtemps, peut-être trop longtemps, ce n’est pas une chance. J’irai même à penser que c’est une erreur. Le retour n’en est que plus violent.
Je comprends donc très bien que l’on me dise que j’ai la chance de voyager. Mais vous voyez cette chance dans un instant T, en réponse à un article, à une photo ou à une vidéo qui ne résume qu’une semaine (un mois à la limite) de voyage. Cette réaction est logique et normale mais vous ne pouvez pas vous mettre à ma place. Parce que derrière tout ce rêve éveillé que j’essaie de vous faire partager, il y a un travail quotidien, une gestion financière, et l’appréhension d’un retour de plus en plus difficile à dissimuler.
Cet article a été rédigé 1 semaine avant mon retour. Je l'ai laissé volontairement mijoter pour apporter des modifications, notamment sur la dernière partie... Il n'y en a pas eu. Je préfère le laisser de la sorte.
En attendant, je suis pressé de trouver un job pour pouvoir mieux repartir !
A très vite pour de nouvelles aventures...
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